Je sors de mon corps

2020-2021


"Je vous invite à regarder. A écouter. A plonger dans une danse intérieure.

C’est un univers puissant et trouble, d’innocence et de maturité,
qui appelle à se contempler sans narcissisme ni honte.
A se confronter à ce que nous sommes, dans nos peurs, nos replis, nos joies.

Je m’observe grâce à l’image.
Mon corps nu devient l’expression pure de ce qui couve, de ce qui se forge dans et derrière la chair.
Je l’apprivoise.
Dans un premier temps la pose est empreinte de rigidité.
Elle est un carcan encore puissant,
mais qui se fissure peu à peu, laissant place au mouvement.
Je ressent une tension, une volonté de croître, de s’extirper, de s’affirmer.
Je m’éveille.”


Je sors de mon corps. est composée principalement d’autoportraits sensibles, intimes, pris en lumière naturelle, avec des textures riches et une esthétique picturale. C’est un face à face avec soi. Un regard qui se pose sur un corps qui mûrit, qui s’affirme, qui devient plus sensuel, plus féminin. Par la photographie je me force à me regarder, à apprivoiser chaque changement, chaque aspérités. L’image que nous avons de nous est empreinte et modelée par nos émotions, déformée par nos fantasmes. Elle ne se résume pas qu’à notre reflet mais se compose d’une foule de ressentis dans ses contours, sa densité et son énergie. Plus qu’une reconnexion avec son corps, c’est également un travail d’exploration personnelle, de plongée dans l’intimité de l’être. L’image devient alors métaphorique. Chaque marque, mouvement, torsion constitue une mosaïque en constante évolution d’une identité trouble. C’est un engagement permanent du corps et des sensations. Le fond noir, ici, isole, fragmente. C’est un non lieu. Un espace hors du temps, indéfini, extensible, enveloppant, profondeur mystérieuse qui donne force d’évocation aux images.

A travers cette série, je m’intéresse aux notions d’intériorité et d’invisible. Je parle d’émancipation et de reconstruction. De carcans et luttes intérieurs.
Je crie mon envie de vivre, de m’assumer, de m’affirmer.
En tant que personne, femme, et photographe.



Texte critique :

“Je sors de mon corps” est une série pour s’observer, se toucher des yeux afin de mieux reconstruire le puzzle éparse de sa peau. Les autoportraits fragmentés de Laura Gauthier traduise le trajet d’une jeune femme, photographe, en recherche de son unité. Le corps est parcellaire ; hésitation entre mouvement et immobilisme, dialogue entre matière plastique et matière sensible. Le corps nu nous imposant une scission permanente devient un puissant véhicule de l’intériorité. Laura Gauthier ramasse ses débris de verres pour rassembler son miroir. Ses brisures sont heureuses puisqu’elles viennent de la lumière, nécessité réclamée par la photographie pour qu’une image puisse exister. Tout est une histoire de temps et de lumière, conflit nécessaire à la photographie et au corps pour imprimer sa trace.

F. Laracine